Imprimé publicitaire, courrier et catalogue mobilisent encore des investissements stables, dans une logique de complémentarité avec le digital.
« L’an dernier, l’un de mes clients historiques m’avertissait : « Le courrier, c’est terminé. Je ne vais faire que de la presse et du couponing, ça marche beaucoup mieux. » Sans chercher à argumenter, je lui ai simplement dit : « On en reparle dans un an. » Une dizaine de mois plus tard, devinez qui me rappelait ? » raconte Stéphane Barthélémy, président d’Adress Company, qui réunissait fin avril dans ses locaux quelques acteurs du marketing direct. Ces derniers ont le sourire. Censés chavirer face au raz-de-marée digital, ils voient à nouveau poindre à l’horizon les annonceurs et s’imaginent un avenir sans vague. Ce ne sont pas les résultats de l’étude BALmétrie, dévoilés le 27 avril, qui vont les contrarier. Son président Éric Trousset, aussi dg de Mediapost Publicité, note en préambule de l’étude, la « résistance de l’imprimé » (+0,8 % de recettes publicitaires en 2016, contre -0,6 % en 2015), tout en soulignant que la baisse du courrier adressé se ralentit (-4 % en 2016, contre -7,1 % en 2015). « Ces dernières années, les agences ont poussé le digital au détriment du papier, sur lequel elles captent une part plus faible du budget de l’annonceur du fait des coûts d’impression et de distribution, mais aussi au détriment des résultats pour les annonceurs, qui l’ont remarqué », arguent certains pour expliquer ce retour en grâce.
Promotionnel, premium, expérientiel et ciblé
« Pour le retail, l’imprimé publicitaire est le média drive-to-store par excellence, et je dirais même le premier générateur de drive-to-shopping grâce à l’accès aux promotions. Pour les marques, c’est un bon moyen de faire découvrir un produit et de créer de l’affinitaire en offrant un échantillon« , explique Céline Letu-Tortorici, récemment nommée directrice marketing et communication d’Adrexo. Un constat partagé par Adèle Albano, dg de Mediapost : « L’imprimé publicitaire représente 9 % des dépenses médias des annonceurs et monte à 29 % chez la grande distribution. C’est le média du pouvoir d’achat, non-intrusif, qui n’est pas jeté systématiquement mais qu’on regarde quand on le souhaite. Il est complémentaire du digital, auquel il ajoute de l’explication et de l’émotion. » Les annonceurs se distinguent par la qualité du papier, de l’encre ou de l’impression, pour proposer plus qu’une information : « Il y a le toucher, la vue, l’odorat et tout simplement l’appropriation à l’objet en tant que tel. Le papier offre une dimension expérientielle qu’on ne trouve pas toujours en digital;où le niveau d’attention reste faible. Au contraire, quand on cherche de la compréhension, on se porte sur le format papier« , détaille Céline Letu-Tortorici. « Reste la question du prix et de l’originalité de la création » rappelle Adèle Albano.
« Le courrier montre tout son potentiel quand il est couplé au digital afin de faire de l’hyperciblage. Si vous ajoutez à cela un mailing de qualité, le destinataire se sent valorisé et a l’impression que l’annonceur a mis le prix pour le séduire. C’est un vecteur très efficace en branding et pour la découverte d’un produit » explique Artus de Saint Seine, dg de Media Prisme et de Vertical Mail et directeur du pôle data de Mediapost Communication. Les campagnes primées lors des Trophées du Média Courrier 2016 organisés par La Poste Solutions Business en offrent l’illustration : Après l’envoi d’un e-mailing, Renault a diffusé à 300 000 clients et prospects un courrier comprenant un QR code renvoyant vers des vidéos de présentation des options innovantes de la dernière Megane. Autre exemple avec la campagne de Fedrigoni France, qui a remporté le prix du jury. Pour promouvoir sa gamme « Black Butterfly » auprès des agences et des annonceurs, le fabricant de papier allie sérigraphie, vernis et micro-perforation. Des procédés techniques parfois rares mais toujours onéreux. « C’était un teaser envoyé à 1 600 prescripteurs. Nous avons eu un taux de réponse de 20 % sur l’adresse e-mail de réservation lancée pour l’occasion« , explique Myriam Kermene, responsable marketing et communication. Cet « échantillonnage » haut de gamme a aussi fait parler sur les réseaux sociaux et dans la presse spécialisée. Mais pour cibler, les annonceurs vont devoir monter en puissance sur les données indiquaient l’Union des annonceurs et Mediapost Publicité lors du salon Emarketing Paris : seulement 17 % des sondés disposent d’une DMP afin de mener des opérations « data driven ». Les enjeux sont d’autant plus brûlants que les outils se démocratisent, à l’image du retargeting courrier : « Il fonctionne comme le retargeting en ligne, avec cependant une vraie augmentation des ventes selon les annonceurs, dont les relances ne se perdent plus dans des boîtes email déjà saturées » explique Corinne Boisseau, directrice de marché communication commerciale chez La Poste Solutions Business.
« Le retargeting amène des annonceurs que nous pensions ne plus revoir, comme le crédit. Il est très puissant quand on multiplie les signaux faibles : visite d’une annonce immobilière, d’un simulateur de crédit et d’un site de déménageur » témoigne Artus de Saint Seine, qui a eu recours à des croissances externes : « DMP, data science, data planning… Même des spécialistes de la rédaction de courriers, des compétences simples qui se sont perdues chez les annonceurs et les agences et qui diffèrent de ce qui se fait en ligne. »